Faut avouer que je partais pas hyper confiant.
Maintenant, c'est justement parce que c'était pas possible que ça devenait encore plus intéressant.
Mais je vais tenter de la raconter dans l'ordre, genre avec une sorte de décomposition histoire de faire une analyse et d'en tirer quelque chose.
Donc l'état des lieux d'avant avant :
- Pas assez d'entrainement du tout, mais ça j'en ai déjà parlé. Conséquence : pas de fond, mais si ça empêche la perf, ça ne n'empêche pas la randonnée. Note à moi-même : essayer quand même avec un peu de caisse pour voir si c'est pas plus agréable de faire une course plutôt que de la subir. Bref, rien de nouveau.
- Je me suis fait une sorte de triptyque gagnant rhinite / sinusite / bronchomachinite à la con qui m'a un peu inquiété car qui m'a quand même empêché de respirer tranquillement les semaines avant la course. Conséquence : RAS, rien pendant la course. Mais faut avouer que ça m'a repris dès le lendemain. Etrange... Note à moi-même : allez voir un allergo au plus vite, ne pas procrastiner ça aussi.
- Je me suis fait deux petites ampoules quelques jours avant. Juste faudra mettre des chaussettes pour que ça frotte moins (indice 1). Rien de grave tu vas me dire. Bah si, mais ça c'est pour après... Note à moi-même : quand tes baskets sont mortes, tu les jettes, parce que si tu les ranges, tu t'en souviens plus qu'elles te font des ampoules quand tu les ressors trois mois plus tard genre "ah ouais j'les aime bien celles-là !".
- A priori bien dormi le jeudi soir, juste réveillé avec une sorte de torticolis du côté gauche. Conséquence : j'ai eu un peu peur pour la position aéro, mais en fait rien de gênant pendant la course une fois chaud. Note à moi-même : penser à prendre mon oreiller la prochaine fois.
Maintenant, la course, ou plus exactement l'épreuve, aux deux sens du terme.
Le matin tout va bien, je suis content d'être là, juste une température un peu beaucoup trop fraiche pour moi, et un ciel menaçant (indice 2).
Même pas à la bourre, vérification du vélo, des affaires, rien à signaler, tout va bien.
Enfilage de la combi un peu plus vite que prévu, il pleut... doucement, mais il pleut... Chier, j'aime pas ça.
Je suis avec mon pote Alfredo qui va manger chaud pour son premier IM, mais on est au début d'une belle journée de sport. Dure, mais belle.
On passe les détails, je me rend compte que j'ai pas la pression du tout, forcément, j'ai peu investi sur cette course, et je commence un peu à avoir l'habitude, donc, c'est détendu que je laisse passer la meute, et je me place genre au milieu.
Objectif : 1h18 en y laissant le moins de force possible. Première bouée à 150m, c'est un peu tôt... Je la passe sans casse, mais en reprenant ma nage, bim ! Un coup de pied bien dans la mâchoire, ça fait mal, mais dans le trip, ça passe presque inaperçu. Le peloton s'étire un peu, j'arrive à nager droit sans être trop emmerdé, je ne fais pas de zigzag, tout roule. Sortie à l'australienne, ça fait 36', je vais trop vite... On repart, je pose la nage, je respire tranquille en 3 temps, j'ai un peu froid, mais y'a des poissons, je suis sur mon île, je vais bien...
Un peu plus tard, il est temps de sortir. Ça fait un 1h16 et quelques, j'ai vraiment pas donné un coup de bras, ça roule...
Dessalage, habillage, crémage (le temps peut changer...) casquage, et partage.
On est sur le vélo et... il pleut. Putain de bordel de merde, j'aime pas ça, j'ai froid, c'est dangereux, et, j'avance pas quand ça pleut, je dois avoir des jambes en acier non inox, vraiment j'aime pas. En plus, y'a du vent comme dans les belles années, je suis pas à l'aise...
On sort du village, penser à boire et commencer à manger. Je sors la powerbar, et là, c'est le drame... Impossible de mâcher le truc, j'ai la mâchoire bien défoncée... Chier ! Vraiment j'ai suffisamment mal pour me dire que j'arriverai pas manger. Donc je bois mon iso pour rentrer des calories dans le réservoir, c'est d'autant plus important que je grelotte, je claque des dents. Je n'ai pas froid, je suis carrément congelé... Tandis que je me concentre sur le fait qu'il ne faut pas oublier de pédaler, je suis un peu inquiet quand même. C'est pas gagné aujourd'hui que j'me dit...
Peu importe, c'est une course à élimination, je ne veux pas être éliminé. Les km passent, c'est dur, je tente de conserver la consigne de puissance de 169 (oui, tu as bien lu, 169, je sais c'est peu, mais désolé, je peux pas plus en ce moment). Donc je suis un peu au-dessus, mais j'essaie de pas griller les cartouches. Le bout de faux plat avant de tourner à gauche vers El Golfo, je suis à 260W, et je roule péniblement à ... 16 km/h. Bon. Y'a plus qu'à attendre que ça passe...
On arrive sur le plat d'El Golfo, là même où je me suis senti fort il y a deux ans. Là où je roulais bien 5km/h plus vite que les autres sans forcer. Mais cette année, c'est pas la même. Je double péniblement les gens qui sont mal posés ou ceux qui font moins de 35kg. Bref, je double peu. Fin de la boucle, je croise Alf, ça a l'air d'aller. Il est sorti de l'eau, c'est le principal...
Je passe rapidement sur la suite, rien de spécial à signaler, Timanfaya, La santa, Famara.... les km passent. Doucement, mais ça passe, j'ai un peu moins froid, mais toujours aucun rendement, et j'ai dû manger péniblement une demi-barre en 2h de vélo... Les bananes passent.
Ça commence à monter un peu, Téguise, ça va toujours. Haria, ça devient chaud (à gérer, pour les températures, on approche doucement celles qui me conviennent...) Arrivé aux éoliennes, je me souvenais plus que c'était si dur. Et si long... Je galère tellement que dans les passages les plus durs, j'ai envie de marcher. A un moment, je suis debout sur les pédales, 260W et... 6km/h. Bon... Autant marcher et se détendre un peu... Je sais c'est la loose, mais je m'en pète, j'ai un seul objectif, passer la ligne, même en 15h, je signe.
J’ai un peu mal eux genoux.
Et aux muscles des jambes en général…
Et aux hanches…
Arrivé en haut, c'est chouette, mais j'en ai chié... Et... le vent. Toujours le vent. Et j'ai à nouveau froid...
La descente arrive, rester calme, ne pas tomber... la journée n'a pas réellement commencé.
J'attends Del Rio, je mourais d'envie de revoir ce paysage qui pour moi est le plus beau de l'île. Le parapet en roche, les falaises, la colline, la mer, le soleil. Tiens ! Un goutte de sueur, ça y est, je suis enfin décongelé !
J'abrège pour la suite. Rien à signaler, sauf que c'est dur, c'est long, mais ça tourne en mode cyclo. Ma NP approche enfin la cible. Je suis sur les 180, puis 175, puis encore un peu moins au fur et à mesure que les kms défilent.
Taniche, Nazareth avec le faux plat vent de face qui me faisait si peur, mais ça passe. Toujours mode cyclo, mais je me dis que si je pose le vélo, je serai finisher.
Je remarque quand même que j'ai encore les pieds mouillés dans les chaussettes... (indice3).
Dernier toboggan pour rentrer à la maison, ça commence à sentir bon. La NP est à 169 :-) mal géré, mais je me dis que je ne suis pas trop trop loin de ce qui je suis sensé pouvoir faire aujourd’hui.
Transition en mode tranquille, on vire le haut à longues manches, crème, casquette, changement de chaussettes, j'ai les pieds tout flétris, limite ça m'inquiète...
Départ pour le marathon, je sais que je ne pourrai pas courir longtemps, alors je marche dès le premier ravito, je mange des bananes, je bois de l’eau et de l’iso. Je re coure, c’est moins pire que prévu, juste le dessous des pieds qui chauffent… déjà…
Les km passent, j’avance pas, je sais que je vais bientôt passer en mode survie. Bien tiens ! J’y suis déjà ! Première boucle, encore 20km et quelques… Ça va être long, mais ça on le savait.
Je marche. Je coure un peu quand ça descend. Je bois, je mange des bananes et des quartiers d’orange, je bois de l’eau et de l’iso. Je lutte. Les voyants passent au rouge un par un.
Mal partout. Ce qui se manifestait gentiment pendant le vélo devient carrément gênant. Ça tire de partout, j’arrive même plus courir dans les descentes. J’ai la plante des pieds en feu…
Putain de chaussettes mouillées, putain d’ampoules, qu’est-ce que je suis con ! Une erreur de débutant une semaine avant la course, et je paie cash. Je pense que ce problème est l’étincelle qui fait déborder le vase…(conséquence des indices 1+2+3 : ampoules + chaussettes + pluie = pieds pourris = plante des pieds en feu). C’est les fées pilon cette fois çi !
Je commence à avoir froid. J’ai les mains gonflées comme des saucisses, j’ai jamais eu ça tiens ! J’ai de plus en plus mal, je commence à avoir du mal à poser le pied par terre. De la soupe au ravito, je me jette dessus… je suis gelé. Je paie ce que je dois payer, deuxième demi-tour, je me dis que je ne pourrai peut être pas aller au bout. Je suis en train d’être battu… Je doute. J’ai mal. J’ai très mal. J’attends la soupe…. J’ai du mal à poser le pied par terre normalement. Qu’est-ce que je fais ? La fin de la boucle approche. Je regarde par terre, je marche, je continue. Je suis un vrai cadavre, mais je continue…
Elle est loin cette fin de boucle… au rond-point, j’ai la tête qui tourne, je vois les pavés bouger devant moi. Ça, c’est pas normal… Je continue encore plus doucement, on sait jamais que ça aille mieux… Bah non…. Les pavés dansent carrément là. Je crois que j’ai perdu. La ligne au loin. J’ai encore 10km à faire ? Je m’avoue vaincu. Je passe le demi tour sans demi tourner, je rends mon chouchou et ma puce.
J’ai perdu.